Le village

UN HIVER À NASBINALS, EN AUBRAC

Il est des endroits qui ont une âme. Chaque saison, nous faisons escale dans un village pour mettre en lumière une qualité de vie préservée, des initiatives citoyennes… Virée sur le haut plateau de l’Aubrac, avec le photographe-militant écologiste Hans Silvester. Bienvenue à Nasbinals!

Par Alexis Margowski. Photographies Hans Silvester.


Cédric Moisset dans sa bergerie, à quelques mètres de l’église Sainte-Marie.

La cloche sonne toutes les heures. Le clocher de l’église Sainte-Marie donne le tempo du village, tel un métronome. Nasbinals est une commune rurale et agricole située sur les hautes terres de l’Aubrac. L’hiver y est souvent rude. Les toits des maisons fument et répandent une odeur envoûtante de bois brûlé sur la campagne alentour. Ici, on vit au rythme d’autrefois, et on s’y sent bien. La neige fait la joie des écoliers qui traversent la route pour aller déjeuner dans la salle basse de l’hôtel La Route d’argent. Le haut plateau du Massif central est un refuge de montagne, très loin de la laideur urbaine et des zones commerciales. Un refuge protecteur pour les 509 habitants de Nasbinals, sa flore et sa faune sauvage. Sculpté par le volcanisme et les grandes glaciations, le plateau de l’Aubrac a été profondément érodé. Il offre un paysage vallonné et doux, recouvert d’une pelouse subalpine, de quelques buissonnades, de hêtres et de sapins. Les ruisseaux serpentent le long du relief et créent une multitude de méandres. L’eau vive accumulée dans le sous-sol circule dans la terre et l’enrichit. C’est comme ça que Nasbinals est devenu, au fil des siècles, un paysage nourricier. Ses pâtures d’altitude sont réputées pour la qualité de leurs fourrages. L’herbe fait la richesse des estives et la vitalité de la vache locale, la race Aubrac. « Interdite au concours du Salon de l’agriculture en 1978, l’Aubrac fut l’invitée d’honneur en 2018», rappelle en souriant André Valadier. André est un personnage mythique ici, qui a largement contribué à la préservation de l’identité locale et du patrimoine naturel. Surnommé « La Locomotive », cet éleveur paysan fédère et rassemble les bonnes âmes. Sa dernière fierté est la naissance officielle du Parc naturel régional de l’Aubrac. André a été une grande source d’inspiration pour Bernard Bastide . Bernard Bastide, c’est le maire de Nasbinals. Il administre sa commune en véritable père de famille. Il n’est jamais trop tard pour dîner ou discuter autour d’un verre à La Route d’argent, l’établissement familial. « On ne ferme jamais, chez les Bastide ! » lance Bernard derrière son bar, aux cotés de sa sœur, Jocelyne, et de son frère, Daniel. Les Bastide sont l’un des piliers du village. Dans leur hôtel-restaurant, ils savent accueillir aussi bien les habitués que les nouveaux venus et les pèlerins en chemin vers Compostelle.

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André Valadier.

Ce matin, agriculteurs, éleveurs, chasseurs, visiteurs s’y arrêtent pour un premier café, dès 7 h. La télévision installée au-dessus du flipper donne les nouvelles du jour. Chacun y jette un œil. Dès sa prise de fonctions, en 2014, le formidable Bernard a engagé un virage pour mettre en place le programme de conservation européen Natura 2000, dont l’objectif est de maintenir la diversité biologique des milieux. C’est Francois Puech qui s’y attelle avec lui. Ils réussissent à concilier les différents acteurs du territoire et implémentent Natura 2000 sur 26 000 hectares. En seulement deux ans, le duo a réussi son pari ! Très vite, François a une nouvelle idée : créer une librairie, sur la place du Foirail. Une librairie avec des livres, certes, mais aussi une sélection de vêtements de montagne, de parapluies fabriqués à Aurillac, de pulls du Cantal, de chapeaux, et de cartes géologiques… Car François est convaincu que la connaissance de la géologie apporte beaucoup aux randonneurs en quête de sens !
À deux pas de la librairie, nous rencontrons Renaud Dengreville, route de la Rosée-du- Matin. C’est ici qu’il vit avec son épouse depuis quinze ans. Il aime la virulence du climat hivernal, la puissance du paysage dans le froid, le givre et la glace. Ce photographe naturaliste de renom est parti à bicyclette de sa Normandie à l’âge de 17 ans, pour aller observer l’ours en Ariège, dans les Pyrénées. Dès lors, ce fils de paysan-chasseur a compris que la chasse n’était rien d’autre qu’une déviance anachronique. Renaud passe sa vie à l’affût, à guetter le sauvage pour le contempler : cerfs, chevreuils, renards, loutres, blaireaux, loups, écureuils, campagnols, milans royaux, faucons, courlis cendrés, mésanges bleues, choucas, chouettes hulottes… Vivre au village, c’est vivre au contact de cette diversité. Ce qui est remarquable dans un pays d’élevage extensif, où la faune sauvage a encore une place, c’est que lorsqu’un loup glouton dérobe des brebis, Cédric Moisset, l’un des rares éleveurs de brebis du coin, ne lui en veut pas pour autant ! Il est même opposé à l’éradication du prédateur. On pense alors à Théodore Monod, philosophe, qui disait : « Si un renard mange une poule, c’est que la poule n’était pas à sa place.» Gaillard, le taureau Aubrac de Jean Prat, ne craint pas le loup. Il ne craint pas grand-chose, d’ailleurs. Debout dans la neige, devant un muret de pierres, le troupeau d’Aubrac résiste au froid jusqu’en novembre, période à laquelle Jean les rentre à l’étable. Leur résistance et leur vitalité font forte impression. C’est la fierté de la région. Ici, ces animaux sont chouchoutés comme des membres de la famille. Le lien à la terre est très fort en Aubrac. Laurence Ratéry, née à Nasbinals, est d’ailleurs restée très attachée au village. Après des études supérieures à HEC, elle se retrouve, un jour, sur le parvis de La Défense face à une fanfare régionale qui joue un air traditionnel de son enfance. C’est le déclic : une envie irrésistible de rentrer. Pour cette terrienne, être loin de sa campagne était contre-nature. À son retour, elle crée une maison d’hôtes, lance la marque Thé d’Aubrac avec Cécile Ducoulombier, et entre au conseil municipal. C’est donc à Nasbinals que se poursuivra sa vie. Au rythme du clocher, des saisons contrastées et des célébrations de la vie.

Le mois de septembre, par exemple, est devenu un moment de fête, grâce au festival Phot’Aubrac. Depuis 2012, l’association du même nom, présidée par Jean-Pierre Montiel, organise, avec l’aide des habitants, quatre journées dédiées la photo : images de nature, d’animaux, d’humains,… Une cinquantaine d’expositions sont proposées autour de Nasbinals dans des étables, des bergeries, chez l’ha- bitant, ou en plein air. Phot’Aubrac est un succès, et un moment où chants occitans, aligot et truffade font le bonheur de tous.

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Informations pratiques

Y ALLER

En train : Gare de Montpellier-TGV puis 2 h 20 en voiture, ou gare de Brive-la-Gaillarde puis 3h15 de route.

À FAIRE

Le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle, GR 65, randonnée de 118 km.

Marché de Laguiole, tous les samedis de 8h à 13h

Festival Phot’Aubrac, prochaine édition : septembre 2019 www.photaubrac.com

Librairie À l’entour, Place du Foirail

Centre équestre Moisset, 04 66 32 50 65, www.equitation-aubrac-lozere.fr

OÙ DORMIR

Hôtel La Route d’Argent, 04 66 32 50 03, www.bastide-nasbinals.com

Lô d’Ici Gîtes d’étape et de séjour gérés par Laurence Ratéry, 06 80 28 51 12, www.lodici-aubrac.com

La Fontaine de Grégroire, Chambre d’hôtes, Saint-Urcize, www.fontainedegregoire.com

OÙ MANGER

La Route d’Argent, Tous les jours, 0466325003,  www.bastide-nasbinals.com

Restaurant Bros, Cuisine traditionnelle généreuse ,Malbouzon, 0466325540-0649589153

EPICERIES BIOLOGIQUES

L’Arbre aux Fées, Saint-Chély-d’Apcher 0466457667
Bio d’Olt, Espalion, 0565446831